Les négociations internationales du post-2012 : une lecture juridique des enjeux fondamentaux
1. Les décisions adoptées lors de la Conférence de Durban mettent en lumière une situation d’urgence et soulignent la nécessité d’accroître singulièrement le niveau d’ambition des promesses de réduction des émissions de GES afin d’atteindre l’objectif de limiter l’augmentation de la température globale à 2°C. Le principe d’une continuation du Protocole de Kyoto pour une deuxième période d’engagement est acté, même si toutes les questions délicates que soulève cette continuation n’ont pas été réglées. De nouvelles négociations sont lancées en faveur d’un accord plus global, associant l’ensemble des émetteurs, à l’horizon 2020. La forme juridique – sera-t-il obligatoire ou purement incitatif pour les États? – de ce nouvel accord reste à déterminer, tout comme son contenu – jusqu’où s’inspirera -t- il du Protocole de Kyoto ou bien de l’approche pledges and review beaucoup plus souple que reflètent l’Accord de Copenhague et les Accords de Cancun?
2. Le principe des responsabilités communes mais différenciées a joué un rôle majeur dans les négociations du post-2012 et va demeurer structurant dans les négociations du post-2020. La Convention-cadre de 1992 et le Protocole de Kyoto de 1997 ont représenté un compromis sur ce qu’impliquait alors concrètement le principe en termes d’engagements des pays développés et en développement. La montée en puissance des pays émergents a conduit à la remise en cause de ce compromis initial. Or, jusqu’à présent, le point d’équilibre entre les prétentions contradictoires des États n’a pas été retrouvé. Paradoxalement, le principe des responsabilités communes mais différenciées qui a permis de trouver un accord sur un régime international du climat dans les années 90, a contribué au grippage des négociations du post-2012. De ce point de vue, force est de constater que la plateforme de Durban pour les négociations du post-2020 ne se réfère plus au principe, ce qui laisse entrevoir un assouplissement des lignes.
3. Dans ce contexte très évolutif, le modèle classique de l’action publique visant principalement à contraindre les acteurs économiques à prendre des mesures pour contribuer à la réalisation d’un objectif chiffré de réduction des émissions nationales (approche «par les normes») révèle ses limites. Les entreprises doivent être impliquées et s’impliquer elles-mêmes davantage dans la lutte contre le changement climatique: d’abord pour contribuer effectivement à la réduction de leurs émissions de GES à la hauteur des enjeux et en fonction de leur responsabilités et capacités respectives; ensuite parce qu’elles sont les acteurs de leur propre transformation vers des modes de production durable qui s’intègreront à l’avenir dans des économies faiblement carbonées, et ce dans un contexte mondialisé de plus en plus concurrentiel. Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), normalisation et certification, compensation volontaire et finance carbone, accords volontaires, approches sectorielles à l’échelle internationale: l’implication des entreprises se concrétise par le recours à une grande diversité d’outils.
De ce point de vue, certains outils, comme les approches sectorielles, sont vraiment innovants au regard du droit international classique. Elles cachent elles-mêmes une grande variété d’instruments.
4.La question de l’articulation voire de la complémentarité entre le droit du commerce international et le droit international des changements climatiques se pose avec une grande acuité. Le principe d’un soutien mutuel, fondé sur la nécessaire cohérence entre les instruments juridiques internationaux, est envisagé comme un principe fondamental qui doit lui-même être articulé avec les principes de développement durable, d’évaluation des risques, du traitement différencié et de non-discrimination. L’établissement de «passerelles» normatives, telle la normalisation technique, est envisagé. Il s’avère toutefois impérieux de mener un travail de définition sur les conditions de fabrication des normes internationales, encore très peu encadrées.
5. La question du contrôle de la mise en œuvre et des sanctions pour non-respect soulève également d’importants enjeux. Le mécanisme élaboré et relativement intrusif de l’observance, mise en place dans le cadre du Protocole de Kyoto, devrait être poursuivi durant la deuxième période d’engagement. Mais il ne concerne plus potentiellement que 35 Parties – dont l’UE. Pour l’ensemble des 195 Parties, en attendant l’entrée en vigueur du futur accord, un mécanisme de contrôle plus souple dit «MRV» est en cours d’élaboration et expérimentation. De nombreuses inconnues demeurent et il est difficile d’affirmer s’il permettra réellement de garantir la transparence et la comparabilité des pledges des Parties. Quant au post-2020, il serait souhaitable que le nouvel accord fasse fond sur les «acquis» du Protocole de Kyoto.
Coordinateur(s) |
S. Maljean-Dubois (CERIC) |
Partenaire(s) |
IDDRI |
Financeur(s) |
MEEDDM
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Budget |
107 710.00 € TTC
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